AMOURS.... AMOURS... AMOURS...

"...Adieu mon ami, adieu prend patience, pense à ton amie, donnes-lui souvent des marques de souvenir et compte sur son éternel attachement. Toute la famille m’écrit de te dire bien des choses. Pour moi je t’embrasse aussi tendrement qu’il est possible mille et mille fois. Adieu doux ami cher bien aimé, tout ce que j’aime, le seul et unique ami de mon cœur ! "

(Dernières lignes d'une lettre d'amour datée de 1823. Orthographe d'époque - Archives Jean Gérard Dubois.)


Costumes vers 1500. Illustration de "Histoire de France" par Anquetil. 1850 (Bibliothèque et photo JGD)
Costumes vers 1500. Illustration de "Histoire de France" par Anquetil. 1850 (Bibliothèque et photo JGD)

 

MARIAGE D'AMOUR OU DE RAISON ?

 

La lettre ci-dessous est sans ambigüité, il n'était pas question d'amour dans ce mariage.

 

Elle est signée "Mazué", datée de Grignan, ce 13 mai 1690, et adressée à Monsieur Serra, prestre et theologal à St. Paul Trois Châteaux.

 

 Ce Mazué se plaint d'avoir été trompé sur la dot de sa femme.

 

" J'avois creu jusques icy que vostre soeur avoit eu mil escus de dot conformement a mes pretentions, et cependant elle n'a pas eu seulement les cinq cens escus de sa mère, et voicy comment...."

 

Il donne de longues explications, explique qu’une terre devait lui revenir et précise bien "... Disons les choses comme elles sont, sans dissimulation ny supercherie, Il est vray, Monsieur, (…) que ce fust a cette seule condition que je donnay mon consentement au mariage car autrement il ne se seroit point fait, comme vous le savez tres bien (... )

 Consultez un peu la dessus tous les casuistes qu'il vous plaira, et s'ilz ne vous disent pas que les mil livres que j'ay comptées et que vous avez receues me doivent estre rendues, pour le moins avec interets depuis nostre mariage, j'auray tort de le pretendre… »

 

 Il semble bien qu’ici, et la chose était habituelle à l’époque, le sentiment amoureux n’était pas la première motivation dans le mariage arrangé entre ces deux personnes.

 Il voulait mille écus de dot le sieur Mazué, il en a eu 500 de « sa moitié », de quoi se plaint-il ? Il demande la restitution de ses mille livres à lui ! Mais de quel droit ? A titre de mari trompé ? Mais dans son cas, être trompé sans amour n’est pas être trompé, c’est perdre ses billes, tout simplement ! Et puis, est-ce une raison pour s’adresser au frère de sa femme, homme d’église lequel que je sache n’est en rien concerné dans cette affaire. N’a-t-il pas lui aussi bien des soucis avec ses ouailles de Saint-Paul-Trois-Châteaux pour qui, à chaque enterrement il lui faut parer la mort d’espérance et pour lesquels, chaque dimanche en chaire il doit trouver des excuses au silence de Dieu.

 

 Cette dernière lettre, datée de 1690 présente une intéressante particularité, elle a été envoyée dans une enveloppe, ce qui était assez nouveau pour l’époque.

 C’est en effet au début du XVIIe siècle que l’enveloppe de lettre a vu le jour. Son usage a mis du temps à se généraliser car un édit de 1676 imposait une taxe particulière à la lettre « sous enveloppe ». Celle-ci s’est répandue lentement au cours du XVIIIe siècle mais ne s’est  généralisée que dans la première moitié du XIXe lorsqu’on en entreprit la fabrication industrielle. Auparavant la feuille de papier était simplement pliée, et l’adresse était écrite au dos.

 

 

Archives JGD
Archives JGD

L'ATELIER D'ARTISTE

L'ATELIER D'ARTISTE. Texte et dessin (partiel) Jean Gérard Dubois
L'ATELIER D'ARTISTE. Texte et dessin (partiel) Jean Gérard Dubois

 

 

L'ATELIER D'ARTISTE 

Rêvons un peu, rêvons d'amour éternel.

« Il était une fois »… comme dans les contes de l’enfant trop sage…

 

 

 

Il était une fois un atelier d'artiste, calme et discret, on y entendait parfois Mozart ou Monteverdi qui y avaient leurs aises, mais le plus souvent le silence y régnait en maître exigeant. Dans ce havre de paix il y avait une grande table à l’ombre derrière les volets entrebâillés, le temps était beau, pas trop chaud, juste agréable. Un rayon de soleil oblique sur une plante verte,   le paradis terrestre si vous préférez !

 

Précisons, pas n'importe quel paradis, pas un paradis fourre-tout au bon vouloir de chacun, pas une utopie de plus, non, un paradis terrestre d’écrivain, un paradis de dessinateur !

 

Sur la table il y avait une feuille de papier blanc, un magnifique papier format raisin comme d'habitude, un blanc immaculé, vierge, pur de toute intention et de toute tentative, une promesse …

A quelques centimètres de celle-ci, il y avait un crayon à mine graphite HB. N°.2.

 

Dans les paradis de dessinateurs il y a toujours, disponibles sur les tables, des feuilles de papier blanc et des crayons à mine de graphite HB N°2. Des crayons pour les envols, pour les voyages, pour les conquêtes et les épopées, des crayons poètes ou dramaturges en fonction des circonstances et des envies. Des audacieux, des timides aussi pour les incertitudes ou les hésitations, tous les crayons n'ont pas les mêmes élans du cœur, point s'en faut. Les crayons savent parler à ceux qui les écoutent, les crayons peuvent être poètes les jours de printemps mais sont aussi capables de larmes à la nuit tombante.

Ce jour-là l'air était transparent, on entendait faiblement quelques notes de musique, du Mozart probablement. Tant de sérénité se dégageait de ce paradis de "gaste-papier" que le temps semblait s'étirer pour le bonheur de tous. Notre crayon HB. N°.2 vivait, là, pleinement l'instant.

 

Pourquoi HB. N°2  ? allez-vous penser! Pourquoi pas 4H ou 3B ?

Trop durs ou trop tendres ceux-là, crayons caractériels, excessifs, bons pour les fins d'histoires, les fins d'amour, crayons pour les fatigues et les orages du cœur, pour les trous noirs, les turbulences, pour les enfers surtout. Ni mollesse capiteuse ni sécheresse excessive les crayons HB.N° 2 sont toujours d'une agréable compagnie et savent s'adapter à toutes les circonstances, en général la passion n'est pas pour eux , ils sont beaucoup trop sages, trop réservés, mais ce jour-là… nous allons voir ce qu'il advint d'étonnant dans l'atelier.

Il peut y avoir de tout dans un paradis de dessinateur, même des choses qui en toute logique n'ont rien à y faire pendant les heures de bureau, comme des airs de tango argentin ou des odeurs de chèvrefeuille. Mais comme les heures ici ne sont jamais de bureau et que le chèvrefeuille ne vit que sur le bord des chemins de campagne, personne ne s'étonne de quoi que ce soit dans l'atelier d'artiste où chacun est libre s'il le désire de danser le tango sous une tonnelle de chèvrefeuille imaginaire entre deux dessins ou entre deux silences. Le chacun en l'occurrence étant l'artiste lui-même ou son crayon ou sa feuille blanche ou tous ensemble lorsque l'envie leur vient.

 

L'atelier d'artiste ne connaît pas l'horloge  et  lorsqu'on y compte le temps ce n'est que dans l'attente d'une inspiration qui parfois peut se faire attendre quelque peu, entre deux moments de grâce ou deux fulgurances créatives.

 

Les papillons des champs y sont acceptés, ceux qui rentrent par la fenêtre sans être invités, surtout s'ils sont bleus. Les jaunes aussi, et les blancs…!

Chercher sans le trouver un papillon blanc posé sur une feuille blanche caché entre deux croquis ou malicieusement dissimulé derrière un trait de crayon, la création tient à un fil, à un battement d'aile, à du blanc sur blanc!... à rien!

 

Du rien surgit le trait qui lui-même annonce la composition à venir, le silence peut devenir aubade ou concerto, l'espoir peut aussi se faire chagrin, de l'invisible trace du papillon blanc sur la feuille blanche peut surgir le chef d'œuvre d'une vie ou l'éternel regret de l'instant passé.

Pas de gomme surtout.

Dans les paradis d'écriveur ou de dessineux il n'y a pas de gomme. On ne gomme pas Monsieur, on déchire, on froisse le papier en boule avant de le jeter, on ne gomme pas le médiocre ou le raté, on l'extirpe, on lui tord le cou, on s'en débarrasse. Pas de gomme qui laisse des traces, des remords et des miettes, qui n'élimine pas le mal mais ne fait que le pousser en marge. Pas de médiocre au quotidien, de l'élan si possible, sans limite, sans cadre, sans témoin, du haut vol ou rien ! Rien plutôt que du malcontentement et du regret.

Une feuille de papier blanc et un crayon noir, le rayon de soleil oblique...

HB N° 2 le crayon, notez bien !

Tous deux s'observaient en silence.

 

Ils s'observèrent ainsi pendant un temps infini et progressivement le désir s'installa entre eux.

Quelques signes parfois, quelques regards  sans plus, le crayon savait depuis toujours que le baiser d’amour est un fruit qu’il faut cueillir sur l’arbre et il attendait pour ça le moment propice.

 

Un jour comme les autres, n’y tenant plus, sans crier gare, le crayon à mine graphite HB. No.2, sauta sur la feuille de papier blanc, l’enlaça tendrement, la trouva consentante et  magnifiquement lui fit l'amour.

 

Vous avez bien lu, l'amour... oui !

 

Les crayons HB N°2 font l'amour Madame, si vous saviez... Ah, Madame si vous saviez...! A Paris on ne fait pas l’amour, on l’achète tout fait, mais ici, Madame… !!!

 

Vous ne savez pas, Madame, ne pouvez pas savoir ! Les paradis d'écrivains ou de dessinateurs n'ouvrent pas leurs portes aux curieux, ou si rarement, ce qui s’y passe n’est jamais dit, jamais vu et c’est bien ainsi. Ce qui s'y passe est du domaine du sensible et du délicat, de l'exquis aussi, du raffiné, mais il n'en faut pas trop dire, le papier blanc craint la lumière du jour..

La feuille de papier blanc, d’un blanc immaculé, n'attendait que cela, depuis  longtemps déjà.

 

« Ma Reine !» entendit-elle !

 

De cette union d'un instant  naquit un poème, un magnifique poème.

 

Le poème n'avait qu'un mot... ETERNITE

 

Le poème vécut un instant, un instant seulement, quelques années peut-être, quelques siècles ou millions d'années, on ne sait pas et quelle importance.

C'est par un soir d'orage qu'un malheureux éclair frappa celui-ci à cœur et le consuma. Plus de papier ni de crayon, fin du poème. La cendre vole encore... vole encore...

Un cœur blessé.

Un rêve brisé, mais qu’il fut beau ce rêve, l’espace d’un instant, le temps d’une vie !

 

(Jean Gérard Dubois)

 

LE TEMPS D'UNE VIE...
LE TEMPS D'UNE VIE...

 

 

MELANCOLIE

 

 

Reproduction partielle d'un dessin  JGD
Reproduction partielle d'un dessin JGD

 

 

 

 

Je ne voudrais pas peindre - un tableau -
Mais plutôt être Celui
Qui sur la brillante impossibilité
S'attarde - avec - délice
Et se demande ce qu'éprouvent les doigts
Dont la rare - céleste - fièvre -
Évoque un si exquis Tourment -
Un aussi somptueux - Désespoir -

(Emilie Dickinson - 1830-1886)

 

 

 

 

Dessin JGD (détail)
Dessin JGD (détail)

 

 

 

Souvenir d'une femme aimée.

Du rose, du rouge, du blanc... du noir parfois.

Jamais de gris. On ne se souvient pas du gris.

(JGD)

 

 

LE RÊVE INAVOUABLE

 

 

Détail d'un dessin érotique
Détail d'un dessin érotique
Les deux tourterelles de Maratea (photo JGD)

 

.........................................

Se souvient-on qu'il fut jadis des coeurs ?

Se souvient-on qu'il fut jadis des roses ?

Elle m'aimait. Je l'aimais. Nous étions

Deux purs enfants, deux parfums, deux rayons

....................

 

(Victor Hugo - Les Contemplations - Lise)

 

Lettre de Juliette Drouet à Victor Hugo

(30 mai 1839), jeudi soir, à 6 heures et demie.

 

« Vous m’avez humiliée tantôt, dans mon orthographe et dans mon amour-propre d’auteur, mon Toto, mais soyez tranquille, dorénavant j’écrirai à mes amis et connaissances sans vous montrer les lettres. Qui est-ce qui sera vexé ?

Mais baise-moi donc, mais baise-moi donc. J’ai faim et soif de tes caresses. J’ai le cœur brûlant et les lèvres ardentes. J’ai besoin de toi, j’ai besoin de ta vue et de tes baisers pour me rafraîchir. Pourquoi me condamnes-tu toute l’année au supplice de Tantale ? Vieux vilain, allez, vous ne méritez pas que je vous aime si assidûment ni si éperdument. Taisez-vous.

J’ai joliment ri tantôt en lisant le portrait de Balzac. Je ne le connais pas, mais je pense qu’il doit être ressemblant. Je vous aime vous. C’est un sentiment qui revient dans toutes mes idées et dans tout ce que je dis comme la note infernale dans la musique du Freyschutz. Je vous aime Toto, je vous désire, je vous attends et je vous adore. En avez-vous assez ? Etes-vous content ? Oh ! je trouverai moyen de me venger sur vous de tout ce que vous me faites dire, allez…

Baisez-moi. »


Archives JGD
Archives JGD

 

LETTRES D'AMOUR  (1823)

 

Juliette Drouet appelait Victor Hugo "Mon Toto"

 

La femme qui écrivit cette lettre appelait son mari "Mon Pol!" -

 

Celui-ci était chef de bataillon adjudant-major au 3e Régiment d’Infanterie de la Garde Royale, Corps de Réserve, dans la division d’Infanterie de la Garde. Avec douze mille hommes il avait été envoyé en Espagne pour y faire la guerre. De tous temps les hommes sont partis à la guerre, de tous temps leurs épouses, leurs bien-aimées sont restées au foyer dans la plus grande inquiétude.

 

Combien de lettres angoissées ont bien pu être adressées par leurs bien-aimées  à ces militaires envoyés plus ou moins malgré eux sur les champs de bataille. Et pourtant ils sont exceptionnels ces courriers, bien peu nous sont restés.

 

 

 

Elles sont rares ces lettres d'amour dans les archives et celle-ci prise comme exemple parmi une correspondance comportant une dizaine de lettres semblables n'en a que plus de valeur.

 

Elle a été écrite par Florentine son épouse, en 1823 et lui a été adressée à l'Armée d'Espagne, par Bayonne. Jamais autant d'amour n'a été exprimé, jamais autant d'inquiétude et d'espoir, jamais autant de réels sentiments humains ne se  sont manifestés en face de la crainte d'une mort possible, l'amour et la mort étant intimement mêlés  en quelques pages émouvantes.

 

 

(Orthographe d'époque respectée)

 

 

 


 (17 septembre 1823) "Deux lettres à la fois m’arrivent cher bien aimé, et toutes deux datées du 1er 7bre. Mon Dieu que cette poste est désolante ! Comme elle se fait desirer ! Et que les jours sont longs ! Lorsqu’on attend.

Merci, grand merci mon Pol du bonheur que tu me procures. Si tu savais quel bien, quelle joie je ressens en te lisant. Surtout lorsque j’y vois cette douce phrase ‘Ma Florentine crois à tout mon amour !’

Oh ! Quel charme ! Quel bonheur ! Oh ! oui j’y croirai mon cher bien aimé, et j’y crois avec délice. Pourquoi cher ami me parler de ces beaux airs de Tours auxquels tu pense que je m’habitue. Non je t’assure, je les vois comme on voit des acteurs, des marionnettes parce qu’étant loin de toi j’y suis a peu près obligée, c’est géneralement une corvée.

Une fois près de toi, je leur dirai bien volontiers adieu, et je puis dire sans regret. Sois tranquil mon Pol je ferai tant qu’elle se deviendra gai. Le passé s’oubliera, un avenir nouveau renaîtra pour nous. Et nous serons heureux ! Ne doute pas mon bien aimé de l’amour de ton amie !

Ton cœur est-il changé ? Que me fait le reste ? Et puis ces yeux que j’aime tant ! Ont ils perdus leur éclat, ne disent-ils plus, je t’aime comme autrefois et cet air qui me plaisait tant.

Le soleil aura beau faire il ne saurait le changer ! Loin de toi mon ami de pareilles craintes. Pense au contraire au plaisir, au bonheur que nous ressentirons d’être réunis. J’espère cher bien que rien ne viendra le troubler !

Hélas quand viendra-t-il ? Tu ne peux encore me le dire tu ne me donnes que l’espérance de la voir bientôt arriver ! Je l’accepte car sans elle je ne pourrais vivre. Mais qu’il est pénible de n’avoir qu’elle. Oh ! bien certainement mon doux ami que je suis heureuse de la croix qui t’a été accordée. Il faudrait que je ne sentisse rien, pour ne pas l’avoir été !

Mais je crains que ce ne soit au dépend de toi-même, que tu te sois exposé. Qu’enfin tu n’aies reçu quelques blessures. Ce qui me fait trembler tu ne me le dis pas, mais cela ne me suffit pas ; parce que tu es si bon, que tu sais bien le chagrin que je ressentirai. ...

 

Ah ! Que cette terrible politique me fait peur ! Que de tués ! Que des blessés ! Et combien encore peut être puissent ces détestables Constitutionnels finir par sentir la sottise qu’ils ont faite, et consentir à tout ce qu’on leur demande, mais je crains bien que ces vilains gens là, soient entêtés, et ne te retienne encore longtems dans leurs méchant pays. Je crains, et que tu avoueras que je suis bien payé pour cela. Car, voila 7 longs mortels mois que j’espère, et hélas en vain. Pardon cher bien aimé d’avoir parlé de ces femmes. J’en demande mille pardons, puisque cela t’a déplu. Mais il est si dangereux après s’être habitué à voir de jolis visages d’en retrouver un qui ne se doute pas de l’être. Nous autres femmes cher Pol il faut quelques charmes pour plaire. Il est rare que ceux du cœur suffisent pour conserver un cœur.

 

 

Mais pardon, mon ami, et sois bien sure, si tu ne retrouves pas de la beauté de retrouver un cœur tendre, entièrement voué à toi, à tes désirs et qui, heureux de ton amour fera tout ce qui sera en son pouvoir pour t’en donner des preuves. Je suis bien heureuse que ma chaîne de cheveux soit restée sur ton cœur. Hélas ! Que ne puis-je y être un instant à sa place !

J’ai aussi des cheveux sur mon cœur. Je les ai réunis à ceux de ce pauvre petit être qui nous avait fait connaître un bonheur nouveau. Ils ne me quittent jamais. C’est mon trésor ... Tous les détails que tu me donnes me sont bien chers et j’aime le Prince de tout mon cœur puisqu’il te parle avec tant de bonté. S’il savait combien il me fait de bien !  

Adieu mon bien aimé, adieu la plus chère personne que j'ai au monde. Crois à tout mon amour. Pense souvent à ton amie, Aime-la toujours de même adieu, Adieu mon Pol ne manque pas une seule occasion pour m'écrire, que je ne sois pas huit ou dix mortels jours sans un mot de toi. Adieu reçois mille et mille tendres baisers de celle qui ne vit que dans l'espérance de te revoir, et dans  le désir de te plaire.

Adieu mon bien aimé Pol. Adieu toute à toi pour la vie, ta Florentine."

 

…………………………………..

Et quand il régnerait au fond du ciel paisible
Un être sans pitié qui contemplât souffrir,
Si son œil éternel considère, impassible,
Le naître et le mourir,

Sur le bord de la tombe, et sous ce regard même,
Qu'un mouvement d'amour soit encor votre adieu !
Oui, faites voir combien l'homme est grand lorsqu'il aime,
Et pardonnez à Dieu !

(Louise Ackermann) (1813 - 1890) - L’amour et la mort -


 

 UN AMOUR SAUVE DE L'OUBLI

 

Lettre d'amour, époque Révolution
Lettre d'amour, époque Révolution
La même lettre, époque Révolution
La même lettre, époque Révolution

 

 

LETTRE D'AMOUR EPOQUE REVOLUTIONNAIRE

 

Les lettres d’amour, si elles sont fréquentes dans les correspondances littéraires sont plutôt rares dans les archives familiales anciennes. Elles en sont d’autant plus précieuses. Dans le passé on n’exposait pas ses sentiments aussi facilement que de nos jours.

 

Lorsqu’on le faisait par une lettre on demandait souvent comme c’est le cas ici à la personne aimée de renvoyer la lettre qu’on se gardait bien de signer.

 

 

 

Nous avons là l’exemple d’une lettre qui se trouvait en grand danger de disparition.   Il s’agit d’une lettre d’amour, d’une femme à son amant  (Orthographe d'époque, approximative)

 

 

 

"Au coucher du soleil en songeant toujour à toi, ce mardi 19

 

Je mazarde mon cher ami a tecrire sen savoir dans quel payi ma lettre te trouvera, tu es peutetre à Foix dans ce moment cy comme tu mavoit dit que tu avoi le projet d’allé. Dans quel payi que tu sois mon pauvre ami si tu y es aussi malheureux et aussi a plaindre que moi, nous auron lun et lautre la plus triste existence qui fut jamai. Pour moi je suis desolé de tavoir conu (rature) et si javoi prevu tout le mal que sa me fait tu ne mauroit pas revu nous aurions continué de nous en vouloir toi de ma negligence et moi de toute tes grandes infidélités. Enfin le malheur est fait il faut le suporté, mais il est bien afreux et bien  detre aussi eloigné que nous le somes et navoir pas le moindre moyen pour savoir si lon existe, voilà huit jour que je songe nuit et jour à t’écrire mais yatil rien de plus sot que decrire lorcequon a un million de chose à dire. Que te direije mon cher ami dans cette miserable lettre, à paine si jai le courage de tenir la plume. Tu sai combien je taime et je tadore, quil est cruel grand dieu de navoir dautre dedomagement, je nai pas la moindre esperence de te voir, dailleur te voir un seul moment et sen mille foi plus afreux pour moi, cette contrainte m’est insuportable et je serai la femme du monde la plus miserable si je ne parvien pas à oublié que tu existe.

 

J’imagine que tu a prevenu Madière, je voudrai bien quil fut tres exact et tre discret, j’espere que tu mecrira tous de suite je ten prie mon ami ecrimoi longuement parle moi beaucoup de toi jai besoin de sa pour suporté cette chienne de vie qui pouroit etre si agreable et qui est si cruelle loin de toi, parle moi de lafaire qui tafectois tant, tu doi savoir con a fait courir le bruit que le jeune homme avoit deux balle dans le bra, ecrilemoi dis moi si tu es un peu consolé et si cette afaire peut te conprometre, j’ai un chagrin terible depui con ma dit que sa pouvoit te mettre dans lenbara, dis moi tout ce que tu crain la desus, songe mon ami a celle qui s’interese plus a toi qua elle meme, parle moi de tes chagrin au moin si je ne pui te consolé et te dedomagé que je partage toute tes paine,  soi bien persuadé que jamai personne ne les sentira comme moi.

 

Je noze pas tengagé à venir me voir je nai pas eu des nouvelle de chez moi et jaten du monde tous les jour – cependan jai la plus grande envie de te voir et je ne sai quel myen prendre, surtout dapré le changement de service tu sai conbien cest dificile. Je croy qu’il faudra prendre patience et atendre que toute cest cruelle (epreuve ?) soit pasé. Jespere dans peu de tems allé à pamié (Pamiers) pour des enplète, je te verai alor et te ferai prevenir can je serai seule. Le petit homme que nous trouvames en chemin à bien du parlé de notre rencontre, tu ne sauroi croire comme sa minpatienta car javoi encore tout plain de chose à te dire, dis moi ce quil ten à dit, il doit tavoir bien plaisanté si tu es à Foix, demande lui bien le secret – mais comen loptenir de sa femme sa sera bien dificille. Si disi à samedi je n’ai personne je taicrirai dimanche et te dirai si tu peu venir je croy que ce jour la  seroit le plus comode si cela ce peut jenverai et tu yra le dimanche matin pour voir s’il y a de mes lettres, dans tout les cas mon cher et bien tendre ami sois bien persuadé que je songe toujour a toi et surtout a leure que tu sai, dis moi franchement combien de foi tu a manqué à ton engagement.

 

Jenverai de bon matin, il faut que tu ai le soin de remetre ta lettre lapré midi pour quon la prene, jaten de tes nouvelles avec la plus grande impatience. En atendan mon tendre ami je tenbrasse de tout mon cœur et de toute mon ame, je te souhaite un tendre bonsoir, il est tard et je vais me couché toujour en songant a toi, que fai tu dans ce moment cy, quil serait doux dallé te surprendre et bézé mille et mille foi ton adorable figure que jidolatre ten, conservela mon ami pour celle qui lapreciroit plus que personne au monde dans ce payi cy et surtout dans cette cruelle promenade vazi une foi pour moi demein au couché du soleil écrimoi et je te promé en revenge de ta promenade de couvrir ta lettre des plus tendre bézé. Il faut te quité adieu encore une foi, dis moi bien des chose dans ta lettre, et sois surtout tre discret et for pruden je te  demande en grace de me renvoyé ma lettre cest  la plus grande preuve damour que tu puisse me donné, je tecrirai si tu peux venir, si tu viens prend ton fusi tu aura lair dallé a la chasse – je ne signe pas tu reconnetra ta plus sincere et tendre amie.

 

 

 

Qu’y avait-il donc à cacher dans cet amour clandestin lorsque elle écrit à son amant « si tu viens prend ton fusi tu aura lair dallé a la chasse »

 

 

 

Cette lettre est longue, elle date d’une époque troublée, celle de la Révolution, mais elle laisse de côté les événements tragiques, elle nous parle de l’Homme et de la Femme, de sentiments humains, de sentiments profonds, d’amour contrarié, d’infidélité, de jalousie, de désir

 

Cette lettre est unique… deux siècles après elle nous émeut encore, nous dit des choses qui ne se trouvent pas dans nos livres d’histoire. Et pourtant, je l’ai déjà dit, elle a failli disparaître, on peut même dire que déjà elle avait disparu. Son état de conservation l’atteste. Il est pitoyable. Elle a été mouillée, froissée, et finalement jetée. Elle est là par miracle.

 

Elle est sauvée pour l’instant…

Pour l’instant seulement… !

 

 

 

AMOUR FAMILIAL

 

LETTRE D'UN FAMILIER A UN ENFANT

(Sans date.Vers 1820-1830)

Archives JGD
Archives JGD
Bon soir, mon ange !  (photo JGD)
Bon soir, mon ange ! (photo JGD)

 

VICTOR HUGO - Les Contemplations  - Amour  - X

 

 

"Est-on maître d'aimer? Pourquoi deux êtres s'aiment ?

Le coeur éperdu crie: Est-ce que je sais moi ?

 

 

" Cette femme a passé: Je suis fou. C'est l'histoire.

Ses cheveux étaient blonds; sa prunelle était noire,

En plein midi, joyeuse, une fleur au corset,

Illumination du jour, elle passait;

Elle allait, la charmante, et riait, la superbe;

Ses petits pieds semblaient chuchoter avec l'herbe;

Un oiseau bleu volait dans l'air et me parla;

Et comment voulez-vous que j'échappe à cela.

Est-ce que sais moi, c'était au temps des roses;

Les arbres se disaient tout bas de douces choses..."

Dans un habit d'ombre - Détail d'un dessin érotique. Jean Gérad Dubois
Dans un habit d'ombre - Détail d'un dessin érotique. Jean Gérad Dubois

 

LE TEMPS QUI PASSE

 

Un soir que, sans état d'âme, je dessinais le doux modelé d'un sein, ma main s'arrêta brusquement, lâcha le crayon et me dit

" N'en as-tu pas encore assez de tourner et retourner sur ton papier les mêmes obsessions depuis tant et tant d'années ? Faudra-t-il que je me mette un jour à trembler pour t'inciter à traduire plutôt la misère du monde, devrai-je lacérer au couteau cette feuille de papier blanc que d'année en année tu continues à couvrir de courbes et de rondeurs !"

- Et toi, lui répondis-je irrité, que sais-tu faire ! Toi qui donnes des leçons de morale, que fais-tu pour le monde en cette saison, vas-tu les soirs d'hiver distribuer la soupe aux malheureux, ouvres-tu ta porte à l'étranger en mal de son pays, chantes-tu la vieillesse en  grattant ta guitare ! Non ? Alors je t'en prie, laisse-moi encore un peu éterniser l'instant, car tu sais, là aussi, dans le temps qui passe, peut se trouver la  douleur, l'infinie douleur.

 

Et je suis sorti, et j'ai claqué la porte.

(Jean Gérard Dubois)